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Histoire du lieu

La Villa

 

Comment ne pas en parler ! Cette maison, voisine de la ferme familiale, a fait partie de toute mon enfance et aujourd'hui encore, je ne peux la voir sans penser à ceux qui l'ont bâtie, ainsi qu'à tous les événements, heureux ou malheureux, qui jalonnent son histoire.  Elle fut construite au début du siècle dernier. Elle ne pouvait que se nommer "Villa". (Maison moderne d'habitation, d'après le petit Robert) puisqu'elle se différenciait tellement des habitations voisines, des fermes pour la plupart construites au début du XVIII° siècle.

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Le propriétaire de cette maison, celui qui l'a bâtie, est mon arrière grand- père : François-Honoré Mollard.
A l'âge où  aujourd'hui on prend sa retraite, il en entreprit la construction afin de pouvoir laisser une part d'héritage à ses 4 filles.
Il a d'abord vécu pendant 30 ans avec sa famille, à la Vy, dans la maison de sa femme Sophie Revillod. Puis, ayant hérité d'une maison de son oncle Henri Mermoud, dit " Quinque", il s'installe au chef-lieu.
La fameuse "Villa" se situe 100m au dessus de l'église, le long du nant P'tou. C'est sur l'emplacement d'une remise qu'en 1905, mon arrière grand-père commence la construction de la nouvelle maison qu'il terminera l'année suivante. Cette date est encore visible sur l'éparon.

​Même à  cette époque, pour bâtir, il faut trouver "le nerf de la guerre" : l'argent ! Avec son cousin Henri Mollard dit "Gorgeon", ils décident de vendre un grand terrain dans le centre du village. L'acheteur est un "Monchu", Mr Reybell qui sera le premier résident secondaire des Contamines. Un peu plus tard, la maison sera revendue à la famille Piccard qui en est encore propriétaire aujourd'hui. Avec cet argent, Henri Mollard transforme sa ferme du chef-lieu en hôtel : la Bérangère et avec l'aide de son fils, il construit juste à côté une boulangerie épicerie.
Mon arrière grand-père, quant à lui, utilise son argent pour bâtir "la Villa".
C'est le point de départ du développement touristique du village des Contamines (pas encore Montjoie) alors qu'à  la même époque, grâce au thermalisme, Saint-Gervais connait une belle fréquentation et ce depuis de nombreuses années.  
Une fois achevée, "la villa" aura les traits d'une grande bâtisse de 2 étages, crépie de blanc contrastant fortement avec les fermes alentour. Elle possède un toit à "l'allemande", des encadrements de fenêtres et des portes en granite, des volets à persiennes et un grand balcon en fer forgé qui coupe la hauteur de la façade.
Dès la fin des travaux, François-Honoré s'installe au rez-de-chaussée. Il y aménage une grande chambre-cuisine, semblable aux anciens "peilles", ainsi qu'une cave et un atelier de menuiserie. Monsieur le curé lui ayant fait remarquer que "les voyageurs étant de plus en plus nombreux, il faut penser à faire des chambres pour la location ...", mon arrière grand-père installe au premier étage une cuisine, une chambre, un séjour et un WC. Pour accéder au deuxième étage, il construit un escalier et aménage 3 chambres à ce niveau. Il existait aussi à cet étage un petite pièce qui servait de débarras, de grenier ; c'est là que j'ai découvert près d'un siècle plus tard une boite en bois renfermant une série de documents dont un livre de comptes qui m'a éclairé sur le mode de vie de mes ancêtres. Dès 1910, l'appartement et les chambres seront loués aux vacanciers.
Dès lors, cette maison figure sur toutes les cartes postales représentant le village. Telle une citadelle, elle domine le chef-lieu et c'est un excellent repère pour dater les événements.
Si, de son balcon, nous pouvions surveiller l'arrivée des visiteurs, c'est de ce promontoire que ma grand-mère Julie vit partir son mari à la guerre, en 1914, et c'est aussi de cet endroit que ses enfants, alors âgés de 5 et 7 ans (sur la photo ci-dessus mais quelques années plus tard), guetteront le retour de leur papa pour une permission en août 1915. Je me souviens de mon père qui, accoudé au balcon, regardait le dimanche, les femmes en noir sortir de la messe. Très souvent il en profitait pour "chambrer" gentiment sa soeur, ma tante Adeline, qui se pressait de rentrer pour retirer le "farcement" du feu. Le soir parfois, il venait s'appuyer à la rambarde, pour se laisser bercer par les bruits de la vallée. Je revois son mégot qui lui pendait aux lèvres et j'entends encore son rire, lorsqu'il nous regardait jouer autour de la magnifique villa. Aujourd'hui, face au Mont-Joly et dominant le village, c'est avec plaisir que les vacanciers locataires prennent possession de ce belvédère pour admirer l'imposant  panorama qu'offre le haut val Montjoie .
Avant la guerre de 1914, les premiers vacanciers qui viennent en "villégiature" (comme on disait alors), sont hollandais. Puis, après la guerre, ma grand-mère loue de plus en plus pour des séjours de deux ou trois mois. Parmi les estivants qui viennent profiter "du bon air", certains, comme les familles Jouhaut et Bienvenue, arrivent d'outre mer. Madame Gaillet, la mère de Samivel vient également y passer des vacances. Ma tante se souvient encore très bien de son fils "ce grand échalas de 15 ans" qui escaladait le balcon et qui restera si longtemps attaché aux Contamines…
En 1930, hors saison, la "villa" fournit des locaux à l'école ménagère ambulante qui vient de se créer pour les filles de 17 à 20 ans.  Les pensionnaires apprenaient à coudre ou à faire la cuisine, et tout ce qui concernait l'entretien d'une maison. Ma grand-mère devait surveiller de très près cette dernière opération, car le mobilier et la vaisselle, mis à leur disposition, provenaient de "la salle des ventes" de Paris où avait travaillé mon arrière grand-père. C'est dans ce "luxe" que nous organisions, mariages, communions et autres réunions de famille. Les photos souvenirs de ces moments-là sont inévitablement prises sur le balcon.
Les locataires des années 1950 deviendront des amis réservant leur appartement à  "la Villa" d'une année sur l'autre. La famille Volle de Lyon nous sera fidèle pendant 10 ans et la famille Poignant de Nantes pendant 15 ans !  
En 1960, pour créer une adresse et pouvoir ainsi adhérer à la toute nouvelle association des meublés, mes parents, Lucie et Raymond Mollard baptisent cette maison
"les Sorbiers" (deux grands et beaux sorbiers l'encadraient). Mais pour nous, les héritiers, elle reste et restera : "la Villa".
Des améliorations seront apportées au fil des années. D'abord, le chauffage central dont l'installation permettra de louer des appartements durant la saison d'hiver. Puis, dans les années 1980, l'extérieur de la bâtisse sera légèrement remanié et un agrandissement verra le jour sur son côté gauche. A la même époque la façade sera habillée d'un bardage et le balcon en fer forgé sera remplacé par un balcon en bois.

Aujourd'hui, les arrières petits-enfants de François-Honoré, restent très attachés à "la Villa" et continuent de l'entretenir pour accueillir des vacanciers été comme hiver.


Nicole MOLLARD-DEMARGNE

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